Il est 8 heures du matin quelque part dans une prairie de Franche-Comté. Je suis en poste, assis au pied d’un bosquet, avec mon appareil photographique fixé devant moi sur son trépied. Fabien m’a dit en partant « tu regardes de ce côté car c’est par là qu’elle doit sortir ». « Mais ce n’est pas sûr » a-t-il complété, car il a découvert cette prairie peu de temps auparavant et il n’a pas eu le temps de connaître les habitudes de l’occupant.
J’avais réservé mon stage quelques semaines plutôt dans le but de faire des photos hivernales : quoi de plus beau qu’une hermine toute blanche qui fonce en zigzaguant dans la neige ? A ce moment tout le Jura était recouvert d’un généreux blanc manteau. Puis tout a fondu. Plus un seul flocon à 1000 m d’altitude. Tant pis pour l’image de mes rêves.
« Je reviens vers midi. On se tient au courant par message si jamais. » Quatre heures d’attente avec des perspectives de rencontre plutôt faibles, c’est assez moyen comme plan. Surtout quand on a payé pour ça! En l’occurrence, je n’aurai pas besoin de tester mes limites. Après seulement 45 minutes, ça bouge dans la lisière à droite : des chamois. Ils sont un peu loin, mais ils me tiennent compagnie et comme ils s’attardent, le temps passe tranquillement. Et puis tout à coup une traînée blanche traverse le coin de mon œil gauche. Je ne tarde pas à apercevoir la petite bombe qui sort la tête de la terre, parfois tout le corps, pour bondir et foncer de manière erratique dans la prairie. Quelle joie ! Ma première hermine. Elle n’est pas toute blanche. Outre le bout de la queue noire, comme toutes les autres hermines dans leur pelage d’hiver, elle a aussi la tête tachée de brun.

Quand Fabien viendra me récupérer, il m’emmènera dans un champ voisin où la rencontre sera presque un tête-à-tête.

Seconde rencontre de la journée avec une hermine à la tête cette fois toute blanche
À peine remis de mes émotions, une fois le sandwich mangé, Fabien me conduit à un autre endroit. À 13h30, il me laisse derrière un filet de camouflage avec vue sur une prairie où le chat forestier aurait ses habitudes. « Je reviens dans trois heures » me lance-il en partant. Me revoilà seul, avec mon appareil photo.
Enquiller aussi rapidement deux affûts à la suite, je ne l’ai jamais fait. En plus, après une heure d’attente, il se met à pleuvoir. Raconter comme ça, quelqu’un d’équilibré va exprimer de la compassion pour ma pauvre personne. Quel triste sort! Pourtant, malgré les heures qui passent lentement, malgré le confort précaire, malgré l’absence d’action et la pluie qui semble partie pour durer, je me sens bien. La nature me transcende en me faisant oublier la réalité de notre quotidien trépidant. Même si rien ne bouge dans le pré pour me faire oublier mes pieds glacés ou mon mal aux fesses, je n’ai aucune envie de partir.
Épilogue
Fabien viendra après « seulement » deux petites heures à cause de la pluie. On marchera alors dans la prairie trempée car « on ne sait jamais ». Et tout à coup, divine surprise, un chat forestier croisera notre route. Un jour de gloire pour le photographe animalier de plaine que je suis. Je réalise le coup double avec mes premières rencontres avec l’hermine et le chat forestier.

Pour voir des hermines et des chats forestiers, rendez-vous chez Fabien Gréban: https://www.grebanfabien.com