A fin février 2020, la photo animalière m’obsède depuis deux mois, mais rares restent mes expériences d’affûts en soirée car la nuit tombe vite et les tergiversations prennent encore trop souvent le dessus. Ce vendredi soir, je me rends vers les « Trois-Lacs », c’est-à-dire la réserve naturelle de Laconnex constituée de trois étangs. Ils ne ressemblent en tout cas pas à des lacs, mais c’est le nom très local de l’endroit. Bien que proche du village, c’est un lieu de passage très fréquenté par la faune. Du côté sud, j’ai plusieurs fois débusqué un lièvre, le faisant évidemment détaler à ma vue. L’objectif de la soirée est de l’observer et de le photographier sans le déranger. Je me mets en place un peu avant la tombée de la nuit dans la haie qui longe un chemin en cul-de-sac. Les coulées sont nombreuses à travers la haie, signe d’une vie sauvage animée.

Les premières minutes sont loin d’être un dépaysement, car à 250 mètres il y a une route qui ramène de nombreux frontaliers à la maison. Le son participe beaucoup à l’ambiance de l’affût et, malheureusement, de ce point de vue, la Champagne genevoise n’est pas épargnée par le trafic automobile. Et quand on se rend dans les endroits plus isolés, comme au bord du Rhône, c’est le vacarme des avions qui casse un peu l’atmosphère.

Je suis confortablement installé car la haie permet de se camoufler naturellement en position couchée. Pas la moindre longue oreille à l’horizon, mais je sais que l’échec est souvent la norme et je n’ai pas d’illusion sur mon taux de réussite. Tout à coup, alors que la nuit commence gentiment à tomber, je vois débouler dans mon champ de vision une grosse masse sombre le long du mur du cimetière, en parallèle de ma position, à une centaine de mètres. La bête semble venir de la réserve. « Merde, un chien », me dis-je spontanément, car le chemin qui passe en contrebas de la réserve est une promenade appréciée par les propriétaires de canidés. Mais la bête s’arrête et change de direction pour foncer droit sur moi. « Bonté divine, un sanglier ! ». Je suis visiblement bien caché, car le sanglier ne dévie pas de sa route et se rapproche de moi à pleine vitesse. Il a dû être dérangé et fuit le danger. Il finit par traverser la haie où je me trouve, à une dizaine de mètres sur ma gauche. Je me retourne et je le vois détaler dans le champ contigu, rejoindre un bosquet. Je réalise que je suis essoufflé, l’émotion m’ayant coupé le souffle. Je devais être tout aussi effrayé que lui.

Malheureusement, la lumière était faible, la bête rapide et le photographe, encore novice, complètement stressé. Les photos sont donc floues, juste suffisantes pour me dire que je n’ai pas confondu le sanglier avec le chien du voisin. Quelle surprise ! S’il y avait un animal que je ne comptais pas voir de sitôt, c’était bien le sanglier. Nombreux, mais très farouches, ils sortent la nuit et on les croise rarement.

 A 1/15 de seconde, peu de chance d’avoir quelque chose de net. Mais pour sûr ce n’est pas le chien du voisin, ni celui de la voisine

Le lendemain, en allant observer la réserve d’où il m’a semblé voir sortir la bête, je remarque une sorte de large coulée à travers les roseaux qui mènent au centre de l’étang. Est-ce un lieu de repos pour les sangliers durant la journée ? Deux affûts ne donneront rien.

Ce n’est que quatre mois plus tard que je prendrai une photo valable d’un sanglier. Je circulais à vélo à la nuit tombante en billebaude* quand je vois quelque chose dans le champ sur ma gauche. « Bonté divine, un sanglier ! ». Le temps de freiner et de saisir mon appareil autour du cou, j’ai l’occasion de faire juste 3 photos avant qu’il ne détale. L’une d’entre elles demeure une des mes favorites. Il est tellement beau mon cochon au milieu des bleuets.

* Définition wikipédia de billebaude : Sorte de traque du gibier menée au hasard.

D’autres photos de sangliers : https://lesphotosducoteau.ch/pt-portfolio/sanglier/