Alors qu’en ce beau matin d’août le jour se lève quelque part au fond d’une vallée valaisanne, un bouquetin marche majestueusement sur la crête. Il forme une silhouette parfaite et je déclenche mon appareil photo avec enthousiasme. Quel réveil formidable!

Au bout de quelques minutes, je commence à m’interroger: «c’est quand même incroyable, il a parcouru plus d’une centaine de mètres sur la crête et je ne vois toujours qu’une seule corne».


Par habitude, je regarde rapidement sur l’écran de mon appareil comment les photos rendent, en faisant un zoom sur la tête de l’animal pour en vérifier la netteté. C’est là que je comprends la provenance de l’effet de parallélisme parfait: l’ibex n’a qu’une corne, l’autre étant cassée à sa base. Une mauvaise bagarre durant le rut hivernal ? J’ignore évidemment tout des causes de cette anomalie mais je constate que l’animal semble par ailleurs en bonne santé. La seule chose qui paraît anormale, c’est qu’il déambule en compagnie d’une femelle, alors que tous les autres mâles sont entre eux à ce moment de l’année.

Le mâle estropié fait-il bande à part de son propre gré ou est-il rejeté par ses congénères ? Un sentiment humain de peine me traverse : «il n’a pas de vie de bouquetin, le pauvre. Comment combattre durant le rut avec une seule corne, aussi impressionnante soit-elle?». Me laissant à mes réflexions anthropomorphiques, il continue tranquillement son chemin et disparaît bientôt derrière un éperon rocheux. «Ainsi va la vie dans la montagne», comme disent les époux Lapied dans leurs incroyables documentaires sur la faune alpestre.
PS: Après avoir parlé avec une biologiste animalière, cette difformité date sans doute de la naissance et n’est donc pas due à un accident.