En général, la faune sauvage se mérite : on la cherche, on la guette, on la traque, souvent en vain. Parfois, mais c’est très rare, c’est elle qui vient à vous, de manière totalement inattendue. Moi qui suis prêt à faire tous les efforts du monde pour apercevoir la queue d’un renard, il m’est arrivé un soir une drôle d’aventure avec un renard… sans queue.
Fin juin 2021, ma fille organise une grande fête à la maison pour fêter la fin de l’école. Une vingtaine d’adolescents prennent possession des lieux et je suis contraint de sortir en compagnie de madame avec la consigne formelle de ne pas revenir avant minuit au plus tôt. Il fait beau, la soirée se passe essentiellement à l’extérieur.
Peu après minuit, quand nous rentrons à la maison, la fête semble se terminer. Notre arrivée coïncide avec une soudaine envie de rangement chez les jeunes, comme l’atteste le bruit des bouteilles vides qui s’entrechoquent pour disparaître dans des sacs poubelles. Mais nous ne voulons pas jouer les fâcheux et nous montons à l’étage pour laisser les jeunes en paix. A peine dans notre chambre, ma fille m’appelle depuis la terrasse : « papa, il y a un renard dans le jardin ! ». « C’est ça ma cocotte », pensé-je, « combien de shots t’as bu ce soir ? » Mais elle insiste. Et des copines le confirment. Donc je descends jeter un œil, un peu intrigué.
Je sors, vais sur la terrasse, et on me dit qu’il est juste là, derrière la haie. Je fais deux pas et je tombe nez-à-nez avec un magnifique renard qui semble à la recherche de compagnie humaine. L’absence de queue rend cette apparition encore plus surréaliste. Je cours alors chercher mon appareil. Il fait nuit et l’éclairage de la terrasse est clairement insuffisant. S’il y a un domaine que je ne maîtrise pas du tout, comme sans doute d’autres photographes animaliers pur sucre, c’est bien l’éclairage artificiel. Je donne une lampe de poche à ma fille et lui demande d’éclairer goupil. Heureusement ce dernier collabore assez bien à ma grande surprise et reste quelques minutes dans les parages. Elle l’éclaire comme elle peut pour une courte séance de photographie improvisée.

La plupart des photos sont très sombres et complètement bruitées en raison du manque de lumière. Mais certaines sont correctes, quand le rayon de la lampe de poche croise la tête de l’animal. Je les ai gardées plus pour l’anecdote que leur qualité ou leur authenticité. Est-ce vraiment un animal sauvage ? Elles confirment au moins que ce renard n’est pas une hallucination. C’est d’ailleurs presque un habitant du village, connu pour faire les poubelles ou les bacs à compost, comme je l’apprendrai les jours suivants. En voyant la fête, en bon opportuniste, il a fait le détour pour voir s’il n’y avait pas un petit quelque chose à se mettre sous la dent. Je ne l’ai jamais revu.
En regardant les photos que j’ai conservées, je me rends compte qu’aucune d’entre elles ne le montre sans sa queue. C’est peut-être mieux ainsi.

