Projection du film « Vivre avec les loups » hier soir en présence du réalisateur Jean-Michel Bertrand. Son premier film, « La vallée des loups », avait contribué à un déclic dans ma vie, c’est-à-dire à me faire passer la plupart de mon temps libre à l’extérieur à la recherche d’animaux à photographier ou devant mon ordinateur, avec la photo animalière toujours en tête, obstinément. Ce premier film relatait l’immersion d’un homme obsédé par la quête du loup dans « sa » montagne sauvage. On vit à ses côtés, ressentant presque la dureté des conditions climatiques hivernales. Et on aimerait goûter ces savoureuses raclettes fondues à la flamme de bougie. Un chef-d’œuvre de poésie.
Le troisième opus de la série est beaucoup plus terre à terre. On y parle beaucoup. De loup, évidemment, mais encore plus de l’homme, donc de gestion, de cohabitation, de régulation. Le maître du monde a organisé la planète jusqu’en haut des montagnes. Il n’aime pas être dérangé dans ses activités. Les autres êtres vivants passent après lui. Ils doivent se contenter de ce que l’humain leur laisse. Parfois ce n’est pas grand-chose, parfois ce n’est pas assez et certaines espèces disparaissent. Alors le loup, c’est l’éléphant dans le magasin de porcelaine. Il débarque, il prend une place qui peut sembler énorme, il interfère en mangeant du bétail, bref, il dérange le système mis en place. Que faire ? Tuer, comme on le fait depuis des siècles ? S’accommoder, s’adapter, partager ? Pas facile de rendre un peu quand on a tout pris depuis si longtemps.
Ce matin, je suis en affût tout près de chez moi caché dans une haie. Il n’y aura pas de loup, c’est sûr. Il reste encore un peu de neige et il fait froid. Des conditions idéales pour moi, qui me permettent de croire à une aventure, même si j’ai quitté mon lit il y a 30 minutes et que je sais que je ne resterai que quelques heures avant de retourner prendre un bon repas chaud dans mon foyer.

Un matin d’hiver bien froid, le renard est passé
Attendre le passage du renard, du chevreuil ou du lièvre me procure une belle énergie. J’ai une vue sur une butte où j’espère voir l’animal arriver. La photo serait superbe. Au loin, à l’arrière-plan, il y a la ville. Pas grave, elle sera floue sur le cliché. J’entends derrière moi les voitures passer sur la route, même si c’est samedi et que la circulation est modérée. Le flux ralentit mais jamais ne cesse dans les agglomérations. Les prés, les champs, les haies, tout ce que je vois de nature est totalement anthropisé. Je ne suis pas dupe, mais je ne vois pas d’autres bipèdes et mon esprit plane dans les grands espaces et ça fait du bien.
Je suis en effet ailleurs. Je rêve du Grand Nord, je fais des plans d’expéditions hivernales à Yellowstone ou dans le Yukon. Contradiction d’un simple humain qui profite des avantages de la civilisation moderne, qui possède un appareil photo bourré de technologies, mais qui aimerait se trouver dans un endroit perdu. Mais il lui faudra de l’électricité pour charger les batteries et une logistique pour dormir et manger. Tout ce dont le loup n’a pas besoin. Le loup est fort et libre. C’est sans doute pourquoi il suscite tant d’émoi chez l’humain, ce qui génère de la fascination ou du rejet, selon les personnes. Moi, le loup, il me fait rêver.